La course à pied est un sport riche en métriques : rythme cardiaque, allure, kilomètres, lactatémie, etc. Toutes ces métriques permettent de traduire une certaine réalité de l’effort en course à pied et répondent également au besoin frénétique de l’être humain de quantifier et catégoriser ce qu’il fait. Dans cet article, nous allons nous pencher sur la place de la puissance en course à pied.
Tout simplement, la définition la plus simple pour les sports comme le cyclisme ou la course à pied est de dire que la puissance est le produit de la force exercée sur un objet par sa vitesse de déplacement. Le watt est une des unités internationales de mesure pour quantifier une puissance. Le watt représente un flux énergétique.
Un watt est l’équivalent du transfert d’une énergie d’un joule pendant une seconde. Et un joule, qu’est-ce que c’est ? Un joule représente l’énergie utilisée pour déplacer un objet avec une force de un newton sur un mètre. C’est à comparer à une autre unité de mesure pour la puissance avec les chevaux vapeurs, qui sont utilisés notamment pour les véhicules à moteur. Un cheval vapeur est l’équivalent de 735,5 watts, une puissance très élevée pour un cycliste ou un coureur à pied.
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En cyclisme, si le capteur de puissance est dans la pédale, on mesure donc la puissance mise dans les pédales. Cette puissance sert à vaincre trois résistances principales en cyclisme : le frottement mécanique causé par le vélo et ses résistances, la gravité, notamment en montée, ainsi que la résistance de l’air, notablement le vent. On le comprend donc, en cyclisme la majorité de l’énergie part dans la propulsion du vélo vers l’avant tandis qu’en course à pied, le déplacement se mesure dans 3 dimensions : le plan horizontal, le plan vertical et le plan latéral. En effet, bien que l’on aille vers l’avant (plan horizontal) en courant, nous avons aussi tendance à notamment hocher des épaules de gauche à droite (plan latéral) et à rebondir vers le haut (plan vertical).
Bref, que retenir trivialement de la puissance ? Cette dernière représente l’effort direct, produit par les jambes, à l’inverse de la fréquence cardiaque qui n’est que la conséquence de cet effort. Comme une puissance est un ratio entre la force exercée et la vitesse d’exécution d’un mouvement, il est nécessaire pour améliorer la puissance fournie d’augmenter la force ou d’augmenter la cadence.
Contrairement au cyclisme, en course à pied la cadence n’est pas mesurée mais estimée. En cyclisme, on appuie sur les pédales donc on peut mesurer mais en course à pied, on ne court pas sur des plaques de force connectées en Bluetooth à notre montre. Il est donc impossible de mesurer précisément la puissance d’un coureur à pied.
Cette estimation de la puissance en course à pied se base sur plusieurs critères :
Ce sont donc des algorithmes qui, tout en utilisant les données mentionnées, calculent la puissance. Si les montres de course à pied utilisant la puissance se basent sur les données mentionnées ci-dessus, les capteurs de puissance comme le Stryd, le SHFT, le Coros Pod 1, le Garmin Dynamic Pod ou le Runscribe utilisent plus de données, elles aussi liées à l’économie de course, pour estimer la puissance :
On le devine assez aisément, les capteurs sont donc techniquement encore plus pertinents dans leur mesure. À noter d’ailleurs que les capteurs de puissance sus-mentionnés permettent de mieux estimer l’allure par rapport à des GPS puisqu’ils sont au plus près de l’effort.
Au sein du TBEI, nous avons créé notre propre algorithme pour calculer la puissance d’un coureur à pied sur un effort donné. Cette formule, utilisant la distance, la durée, l’allure, le dénivelé et le poids, a été conçue pour pouvoir être utilisée pour les coureurs ne disposant pas des données de puissance sur leur matériel. La formule essaye également de se rapprocher des watts cyclistes afin de permettre une certaine transversalité. Pouvoir calculer les watts sur n’importe quel effort peut notamment être utile afin de définir la dépense énergétique d’un coureur durant un effort mais nous verrons cela plus tard dans cet article.
Vous pouvez maintenant vous demander comment utiliser la puissance si cette dernière n’est qu’estimée et que des capteurs peuvent utiliser des données différentes ? Il faut tout simplement vous assurer que la puissance relevée soit auto-référentielle. Qu’est-ce que cela veut dire ? Vous n’avez pas besoin d’être sur à 100% que votre AS10 à 300 watts est VRAIMENT à 300 watts produits, par contre si à chaque fois que vous êtes en AS10 votre rythme cardiaque est constant et votre puissance oscille autour des 300 watts, vous savez que vous êtes bons dans votre zone cible.
Dans la première partie, nous avons parlé de l’unité de mesure de la puissance qu’est le watt. Pourtant, le monde sportif s’exprime aussi souvent en watts par kilogramme qu’en watts seuls. L’un et l’autre sont dépendants : deux coureurs à 300 watts ne seront pas du tout dans la même zone d’effort si l’un fait 55KG et l’autre fait 90.
Le premier, à 55KG, sortira donc 5,45w/kg – un chiffre qui peut vite le classer parmi les meilleurs amateurs s’il tient cette puissance sur une vingtaine de minutes, tandis que le second sera seulement à 3,3w/kg – un chiffre toujours bon mais plus modeste sur 20 minutes. On parle donc ici de puissance relative puisque la puissance produite est relativisée selon le poids.
Tableau catégorisant les performances en w/kg, applicable principalement au Stryd ou à Coros. Source : hetgeheimvanhardlopen.n
Sur un parcours plat, la puissance absolue en watts et l’aérodynamisme/économie de course sont les facteurs déterminants de la vitesse d’un cycliste ou d’un coureur. Un coureur plus lourd pourra généralement sortir plus de watts du fait de sa musculature, mais moins de watts par kilogramme, d’où le profil très musculeux des sprinteurs en cyclisme et en course à pied. Par contre, dans les montées, en raison de la gravité, la puissance ramenée au poids est plus importante car le coureur plus léger sera plus économe et aura moins de poids à déplacer.
Un point supplémentaire à prendre en compte, principalement en cyclisme mais qui peut aussi amener à questionnement sur les épreuves d’ultra ou de rando-course, est la place du matériel. Reprenons nos deux coureurs de 55 et 90KG courant à une puissance de 300 watts. Imaginez les avec 10 kilos d’équipement cette fois-ci. Pour le coureur de 55KG, le sac représentera 18,18% du poids total avec matériel tandis que pour celui à 90 kilos, le sac ne représentera que 11,11% du poids total du coureur avec son matériel.
Le premier coureur développant une puissance de 300 watts passera donc de 5,45w/kg à 55kg sans matériel à 4,61w/kg avec le matériel tandis que celui de 90 kilos à 3,3w/kg sans le matériel passera à 3w/kg avec matériel. Ici, le coureur de 55kg reste donc avantagé du fait de l’énorme différence de 35kg entre les deux coureurs mais sur des poids plus serrés un matériel plus léger peut faire la différence.
Bien que la fréquence cardiaque reste la donnée mesurable la plus pertinente à propos de l’entraînement, ressenti à part donc, elle possède des défauts :
-> Un sprint de 20″ à bloc ne verra pas votre rythme cardiaque monter autant que la difficulté de l’effort peut le représenter ;
-> Plus généralement, la FC peut mettre jusqu’à plusieurs minutes pour bien atteindre la zone visée alors que la puissance est bien plus instantanée ;
-> En fin de séance ou de course, la FC peut avoir une dérive à la hausse du fait de la fatigue, de la déshydratation, de l’épuisement des réserves de glucides alors que la puissance ne connaît pas cette dérive : on peut donc associer les deux pour rester pertinent et mieux comprendre l’exercice réalisé.
L’intérêt est donc d’utiliser les deux de façon croisée tout en complétant avec le ressenti pour bien guider les entraînements. Par contre, bien que cela me semble évident, il faut préciser que quitte à choisir une seule donnée, il faut préférer la FC qui permet de valider la puissance et qui est une charge interne au corps. Néanmoins, il y a une véritable pertinence à utiliser la puissance qui est plus accessible et plus pertinent que la prise de lactate qui, normalement rappelons-le, nécessite un membre du personnel médical pour effectuer la prise tout en étant une charge interne comme la fréquence cardiaque.
L’usage de la puissance peut permettre un rythme plus régulier sur une course vallonnée, ce qui serait idéal pour des courses telles que le marathon de Boston ou des trails, qu’importe la durée. Plus précis encore que la Vitesse Adaptée à la Pente (VAP), la puissance permet de bien doser ses efforts dans une côte ! L’utilisation de la puissance est un moyen simple de maintenir un niveau d’effort constant. Vous pouvez aussi la jouer finement en augmentant la puissance produite en montée et en la réduisant en descente.
Pour les efforts atypiques comme trails plus longs, les watts doivent être idéalement complétés par les kj/kg/h pour savoir après course dans quel état on aborde les difficultés du parcours et dans quel état nous sommes à X ou Y moment de la course. C’est possiblement le point le plus pertinent à l’usage de la puissance.
On le rappelle, les kilojoules sont simplement une quantité d’énergie. Quantité d’énergie directement liée aux watts, si vous vous souvenez bien, puisque le total des joules est égal à la moyenne des watts par le temps en secondes. Ce sont donc les watts ou une autre unité d’une énergie divisée par un temps qui est sont une dépense d’énergie et c’est ce que l’on va expliquer ici.
Par exemple, revenons à notre coureur de 55 kilos.
Imaginons qu’il produise 137 watts durant 3H47. Cela fait 137 watts * 13620 secondes = 1866 kilojoules. Néanmoins, pour les mêmes raisons que citées précédemment, les kilojoules sont à diviser par le poids du coureur, afin de créer une unité relativisée. Notre coureur de 55kg a donc sorti 33,9kj/kg lors de sa course de 3H47. Pourtant, il faut bien souligner que si le poids peut varier, la longueur de l’effort aussi, il faut donc relativiser ces 33,9kj/kg à la durée de la sortie !
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